histoire de la Guerche de bretagne

                                            LA GUERCHE DE BRETAGNE, QUELQUES ELEMENTS DE SON HISTOIRE

 

                              de JEAN-CLAUDE MEURET, Maitre de Conférences honoraire                                         le 3 juillet 2020

 

A la Guerche de Bretagne, petite cité médiévale d'Ille-et-Vilaine, à 50mn en voiture de Rennes et de moins de 30mn de Vitré, vous pourrez découvrir une des villes de la Marche, caractéristique de la limite est de la Bretagne. chaque mardi s'y tient un grand marché, un des plus anciens de cette province,car cité dès le début du XIIème. on peut aussi y visiter une riche église collégiale, la motte vestige du chateau médiéval, quelques vestiges des murs de la ville et une place bordée de nombreuses maisons à pans de bois et à porches des XVIème et XVIIème siècles, liées à l'activité marchande.

sans doute dès le XIème siècle,un chateau y est élevé par la famille des premiers seigneurs de la Guerche, dont le premier attesté fut Sylvestre, aussi éveque de Rennes. de ce chateau ne subsiste qu'un imposant tertre de terre de type motte,installé en zone basse, près de l'étang disparu du Matz, contre l'actuel jardin public.il ne fut jamais une forteresse majeure. comme souvent,la présence du chateau et du seigneur entraina le développement d'une ville, mais celle-ci ne fut dotée que de modestes murailles cernées de larges fossées et ouvertes par quatre portes, toujours aux entrées de la ville.du mur,on voit quelques restes Place Henri Platier et au sud du mail. pourtant,la Guerche devint une seigneurie et une ville de poids grace à sa position en limite est de la Bretagne,au contact de l'Anjou, puis de la France à partir du XIIIème siècle.illustration de cette identité avant toute frontalière,dès le début du XIIème siècle,un mariage fit passer la baronnie voisine et angevine de Pouancé,avec son puissant chateau,entre les mains des seigneurs de la Guerche.elle le resta jusqu'à la révolution.

grace à cette position,la ville connait vite un remarquable développement économique fondé sur l'agriculture et ses activités annexes, telles la production de cuirs et plus encore de toiles, grace à la culture du chanvre.cette dernière production se développa vers le XIVème siècle, époque où la Guerche était entrée dans l'orbite de la puissante ville de Vitré et de ses commerçants internationaux,plus tard dits nommés Marchands d'Outre-Mer. elle dura jusqu'au XVIIIème siècle. la Guerche médiévale,puis moderne, profita surtout de sa situation frontalière sur un axe qui lareliait à Craon et à l'Anjou,lui-meme hérité de la voie antique de Rennes (Condate) à Angers (Juliomagus).les produits, leurs prix et les taxations n'étant pas les memes de chaque coté de la frontière,on vit alors se développer un marché et des foires annuelles dites "Angevines". cet essor se traduisit par l'édification de très grandes halles appelées "Cohue", qui occupèrent la place centrale de la ville dès avant 1206 et jusqu'au XIXème siècle. la nourriture abondante, le vin d'Anjou très prisé,car deux fois plus taxé que celui de Bretagne, les bestiaux tels les porcs,vaches ou chevaux engraissés ou élevés dans la foret,contribuaient sans cesse à accroitre les échanges.une des fortes ressources de la région fut aussi engendrée par la gabelle, cette lourde taxe sur le sel instituée dans le royaume au XIVème siècle, mais pas en Bretagne indépendante,avantage qu'elle put conserver jusqu'à la révolution.il en résultait un prix du sel 25 fois plus élevé à Craon qu'à la Guerche. cette différence suscita une intense contrebande mais aussi une vente officielle du sel,par exemple dans la partie des halles nommée "La Salorge". ce nom s'est transmis à la Mairie batie à l'emplacement des halles au XIXème siècle.avec ses arcades originellement ouvertes sur une galerie,et avec sa salle de justice de paix, bien que postérieur à la révolution, l'édifice s'inscrit dans la continuité séculaire des halles. si celles-ci abritaient d'abord les activités marchandes,elles étaient aussi accostées d'une tour appelée "l'Auditoire", où se rendait la justice seigneuriale locale. cette mairie est dvenue le centre culturel de la Salorge. des XVIème et XVIIème siècles,la Place des Halles a conservé de nombreuses et remarquables maisons d'artisans et marchands en pans de bois,dites "Maisons à porches" ceux-ci édifiés et ouverts sur l'espace public,offraient aux commerçants un contact direct avec la clientèle des foires et du marché.comme autrefois,celui-ci se tient toujours chaque mardi. il a été parmi les plus importants de Bretagne jusqu'au XXème siècle.depuis le XVIIIème siècle,il s'étend jusqu'au grand-mail que l'on aménagea alors à l'emplacement des douves comblées, à l'ouest de la ville. il occupait aussi une une grande place contigue au nord-ouest,aujourd'hui encore nommée "Place du Champ de Foire" et aussi "Place du Marché aux bestiaux".malheureusement,à la fin du XXème siècle, la Guerche ne sut s'adapter à l'évolution marchande,et perdit son important marché aux bestiaux,car elle ne se dota pas d'un grand marché couvert comme l'ont fait Fougères, Chateaubriant ou Chateau-Gontier. de plus,la création d'une quatre voies Rennes-Angers qui ne suit pas son tracé rectiligne antique mais passe un peu plus au sud par Janzé,Retiers et Martigné-Ferchaud,délaissant ainsi la Guerche,contribue pour celle-ci à réduire le trafic entre Bretagne et Anjou. pour autant,la forte tradition marchande,vieille de 9 siècles,demeure.en été,au marché du mardi,on peut voir jusqu'à 300 exposants.ils viennent de loin proposer leurs produits de consommation à des centaines de clients habituels venus de nombreuses communes périphériques, autant d'Ille-Vilaine que de Mayenne. de plus,il attire aussi de nombreux touristes,ravis par la foule,la convivialité et la réelle humanité d'une telle activité.

entre les restes du chateau et la place centrale des halles disparues,se dressent la collégiale Notre-Dame de La Guerche et sa haute flèche.L'édifice doit avant tout son existence auw seigneurs de La Guerche, et en premier à Guillaume III. En 1206, cet homme aussi fervent religieux que seigneur enraciné jugea insuffisante sa chapelle privée, dont la belle voute et les baies du XIIème siècle subsistent toujours à la base de la vieille tour clocher de l'église.Il décida à cette date d'y ajouter un grand édifice d'une longueur voisine de 45M. Ce ne fut pas le siège de la paroisse car celui-ci se tenait à 2 km au sud,en l'église de Rannée où il demeura jusqu'à la révolution. Créateur et financeur de la nouvelle église, le seigneur la dota d'un collège de 12 chanoines à qui il attribua pour toujours, ainsi qu'à leurs successeurs, des rentes permanentes. Quant à la destination majeure de cette collégiale et de son culte, ell était d'assurer le salut éternel de l'ame du fondateur,de celle de ses ancetres et de ses successeurs. Cependant, sa dimension imposante traduit aussi une autre intention plus ou moins consciente, celle d'en faire l'église paroissiale du bourg castral,alors en plein développement démographique et marchand autour des halles et du marché. le gisant de Guillaume III se voit toujours dans le choeur. Au cours du bas Moyen-Age, la nef fut agrandie au sud par plusieurs chapelles communicantes installées sous des "pignons accolés". A l'intérieur de celles-ci, on peut voir d'intéressants éléments de vitraux, tandis qu'à l'extérieur, depuis la place, elles offrent à l'oeil un riche ensemble aux volumes très esthétiques, décoré de belles sculptures. De meme, au début du XVIème siècle, le choeur fut doté d'étonnantes stalles de bois richement sculptées que le contenu et la qualité placent les plus remarquables de l'ouest. Bien que conservées dans une église catholique, elles doivent se comprendre à la fois au travers de l'art de la Renaissance et des premiers bouillonnements religieux du temps de la réforme.Les derniers ajouts à l'édifice datent de la fin du XIXème siècle. C'est alors que fut construit le bas-coté nord et surtout l'étonnante flèche, oeuvre d'Arthur Regnault, haute de près de 70M, et non de plus comme il est souvent répété. Elle obéit à un modèle caratéristique de la Bretagne occidentale, et sinscrit ainsi sdans le fort mouvement identitaire de cette époque maintenant appelé "Bretonisme". Quatre fois plus haute que la Mairie, la flèche traduit la forte présence locale du pouvoirreligieux et au delà, la volonté de l'église en général, de s'afficher bien au-dessus d'une république encore vacillante. Aujourd'hui, il est de mise de désigner cette église comme "Basilique". depuis 1951, le Pape Pie XII lui attribua cette distinction. Au plan de l'architecture intérieure et extérieure, ce titre de Basilique mineure- c'est à dire hors de la ville de Rome-ne se traduit par aucune réalité visible et demeure virtuel. En raison de son architecture et de son histoire sans lien de causalité avec le Vatican, il est plus juste de continuer à l'appeler collégiale. cela permet de rappeler son lien indissoluble avec le seigneur fondateur et ses successeurs, l'attachement profond de ceux-ci à la religion chrétienne,et en meme tempsle développement dune petite ville à partir de son chateau.

 

La collégiale illustre les eux grand paramètres identitaires de La Guerche, le puissant enracinement de son christianisme, et la prédominance de l'activité commerçante. Cette osmose entre pouvoir laique, autorité religieuse et activités marchandes se manifeste de manière toute aussi éclatante à quelques mètres au nord de la collégiale. Là se tient maintenant le siège du pouvoir municipal laique dans un beau batiment de style XIIIème siècle, lui aussi édifié par Arthur Regnault. Or ce n'est rien moins que l'ancien presbytère, bati sur les restes de la chefcerie où, depuis le Moyen-Age, résidait le premier des chanoines de la collégiale,appelé le "chefcier", grand bénéficiaire de l'activité marchande de La Guerche.